esprit jardin
Mon petit jardin est d'une remarquable pauvreté. Je le traite selon ma fantaisie et toujours avec une certaine rudesse .Les guides et autres magazines spécialisés dans le jardinage sont passés aux oubliettes.
Involontairement je partage la place avec quelques bêtes sauvages qui aiment la soyance des roses et la tendreté des feuilles nouvelles. Pour contrer ces gourmandes j'entrave leurs parcours en piquant des cannes de bambou et autres perches à tomates aux endroits stratégiques. C'est assez efficace, à condition de les changer régulièrement de position ( histoire de perturber les habitudes - car les bêtes ne sont pas si bêtes, comme l'on sait ).
Comme ce pauvre lopin n'a pas vocation à porter mille et une fleurs, je le laisse aller ( modérément ) à sa pente, et me prends d'intérêt pour les plantes indigènes ( millepertuis, trèfle, scabieuse etc...) qui le méritent. On peut les mettre en valeur avec pas grand chose : taillage, "isolage", cadrage, cerclage, tuteurage etc...cailloux, bijoux, joujoux..., je veux dire, objets divers et variés...
Bref, faute de mille et une fleurs, mes petites et moyennes installations ( pas en trop grand nombre ) s'essaient à la créativité.
J'ai l'impression qu'elles se mettent en place toutes seules car j'attends toujours le déclic qui va me donner l'idée ; ça peut être un bout de bois, une pierre , un panier, une bouteille, n'importe quoi, et pas forcément un objet, d'ailleurs.
Ces arrangements peuvent surprendre le visiteur ou passer complètement inaperçus ; je m'en amuse beaucoup...
De cette façon ,certains objets de la maison ou du garage ou de la rue, terminent leur existence de choses inertes et dégradables dans le jardin, au contact de la terre crue et des végétaux en pousse ou en déclin.
- l'ancien tamis, échoué à côté d'un baquet en zinc , devient une case à rien... je discipline juste les herbes et mousses qui pointent à travers le treillis rouillé ; sur les bords intérieurs du cadre en bois, la verdure est plus haute ; au centre un fagotin de branchettes ...
- la vieille caisse à bouquins d'un aïeul pourrait ressembler à un début de compost..
Trophée de chasse ...? mais non, je n'ai refroidi aucun des quadrupèdes qui s'invitent chez moi au temps des roses...
Ce sont mes petits-fils qui ont fait cette découverte dans les fourrés, juste à côté, et me l'ont rapportée tout excités. Comme je n'en voulais pas, la tête de mort est retournée dans la brousse, une fois les enfants partis.
Mais la fois suivante ils voulaient revoir leur prise...Constatant leur déception je leur avouai mon forfait en indiquant vaguement la direction (en me trompant un peu ) dans laquelle j'avais balancé la chose. Ben, ils ont tout ratissé et l'ont rapportée, triomphalement, une nouvelle fois ; heureux, ils étaient !
Donc on l'a installé sous la haie,
on l'habille un peu de temps en temps ( boules de papier alu dans les orbites, par ex)
on dégage les herbes qui lui rentrent dans les os,
une mâchoire a lâché, quelques dents ont dégringolé ;
il a 3 ans et s'appelle : Raoul
corbeille métalique, trop encombrante pour l'intérieur;
elle reçoit les mauvaises herbes arrachées à l'entour, et parfois un gros bouquet fané, comme ici.
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fougères , miroir bancal au tain écaillé, plaque de tôle rouillée cachant une prise de courant.
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Ainsi donc, il arrive que, l'ultime barreau de chaise, après 2 saisons au grand air, regagne la chambre, soit pour y être brûlé, soit pour faire joli et utile sur un rebord de fenêtre.
Mes fenêtres sont dépourvues de volets ; pour les occulter la nuit j'utilise des pans de tissu qui sont soigneusement pliés ou volontairement chiffonnés dans la journée.
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Mais, bien entendu, au jardin, fût-il maigre et ingrat, les fleurs sont reines.