De Dieu et des hommes...
La foi n'est pas une vêture toujours confortable à porter, et... sans elle on n'est pas forcément tout nu...
La question de(s) dieu(x) finit par se poser un jour ou l'autre à tout un chacun, mais beaucoup n'ont pas envie de perdre du temps à chercher une impossible réponse ni à s'ouvrir aux expériences des philosophes et des saints, encore moins aux propositions des églises et des religions.
Heureusement la foi n'est pas une science, pas un savoir, même si elle est compatible avec la raison. Elle est juste une relation, une écoute, un état d'âme dans la béance de l'univers . Parfois elle est un choix délibéré, une abstraction, que telle ou telle religion pourra incarner, matérialiser, rendre visible.
Elle n'est, aussi et surtout, rien qu'elle-même, incomparable, et pouvant emplir une vie, en particulier chez les mystiques, ces acrobates de Dieu si étranges, si difficiles à comprendre .
Je fais partie des croyants - pas extrêmes, ni même zélés, mais pas tiédasses, non plus .
J'aime bien entendre, lire, ruminer ce que d'autres ( croyants ou non ) ressentent et disent sur le sujet , or le hasard fait que je tombe sur une vieille coupure de presse ( j'en ai une mallette pleine ) que je n'avais pas lue à l'époque ( 1996 ) et qui propose un entretien - sur la question de Dieu et du sens de la vie -avec un écrivain connu et généralement apprécié : Michel del Castillo ( Tanguy, La nuit du décret, Le crime des pères, Mon frère l'idiot..etc...)
je vous livre un extrait de cet entretien:
- Comment continuer de croire en un dieu qui apparemment, n'a rien fait, rien dit pour empêcher les souffrances d'une enfance brisée ?
- ....personnellement, la présence du mal dans le monde ne m'a jamais détourné de la foi. La méchanceté a pu, un temps, me détourner de l'institution religieuse mais pas de la foi.
Ma seule question : notre monde est-il pensable sans Dieu, sans fondement sacré et ontologique ? Personnellement, je réponds non... - Le silence de Dieu devant les tragédies humaines ne vous fait pas douter de son existence ?
- Dieu, est-il si silencieux qu'on le dit ? N'est-ce pas plutôt l'homme qui ne sait plus l'écouter, incapable qu'il est de faire silence et d'affronter les vertiges de l'intériorité ?
Dieu nous propose l'amour mais ne retient pas le bras du bourreau.....c'est un mystère ontologique. - Etes-vous totalement certain que Dieu existe ?
- Que Dieu me préserve de cette certitude-là !!!
- Quel visage Dieu a-t-il pour vous ?
- Le visage d'un homme humilié, crucifié.Le Dieu de l'Ancien Testament me demeure difficilement compréhensible. Mais le Dieu bafoué de la croix se fait totalement humain. En venant parmi les hommes, au coeur de notre humanité, le Christ nous dit finalement quelque chose de très simple : ce n'est plus la peine de regarder vers le ciel. Si Dieu est quelque part,c'est dans le visage de l'autre....Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis, dit Dostoïevski.
- Pour vous, l'athéisme total est impensable ?
- Le refus de toute transcendance mène inexorablement à la résignation au mal. Je ne vois pas comment sortir de ce dilemme : soit Dieu existe et l'homme peut espérer, soit il n'existe pas et notre existence est totalement absurde.
- Certains athées trouvent malgré tout un sens à leur vie dans l'engagement pour les autres, dans le combat social, humanitaire...Ils prouvent à leur manière, qu'on peut vivre sans foi...
- [ ] Trop souvent,on réduit la foi à une succession de bonnes actions alors qu'elle est, avant tout, relation à un tout autre. Bien sûr, l'homme peut trouver dans un combat social ou humanitaire des raisons de vivre. Mais ces engagements ne suffiront pas à répondre à la question de la transcendance, du fondement dernier de toute existence humaine.
- La prière est-elle importante dans votre vie ?
- Oui, car l'écriture est, pour moi,une forme de prière très intense.Ecrire, c'est toucher souvent le fond de l'humanité, c'est aborder des rivages nécessairement tragiques, durs. Je ne peux pas écrire sans d'abord descendre au tombeau, rejoindre l'homme dans sa passion la plus douloureuse, en ce lieu précis où il est le plus proche de Dieu...
- La foi n'est pas consolation...
- Il faut se méfier des fausses consolations généreusement offertes par les religiosités sirupeuses et dangereusement béates. Si la foi est source de bonheur, elle est d'abord passage par la croix.
- C'est tragique de croire ?
- Inévitablement, car nous sommes dans la nuit.
- Une nuit éclairée ?
- C'est la nuit mystique dont parle si bien saint Jean de La Croix. Une obscurité où parfois Dieu nous fait signe. Il y a des éclaircies...
Recueilli par Bertrand Révillon - La Croix, 31 mai 1996
* Le Christ de saint Jean de La Croix, par Salvador Dali - à g.
A partir du 11 octobre prochain, date de la commémoration des 50 ans de Vatican II, le pape lance L'année de la foi qui se terminera en nov 2013. Par cette nouvelle année thématique, le témoignage de vie des croyants devrait grandir et se raffermir.
Si Michel del Castillo est encore dans les mêmes dispositions qu'en 1996 il sera sûrement attentif à cette démarche de l'Eglise - d' autant que le journal qui l'a interviewé dans le passé rendra compte ,largement, de toutes les initiatives prises.